"Lâche-moi le téton !"

"Tu vas allaiter ?"

En voilà une question qu'elle est bonne ! Si tu crois que seule ta sage-femme ou ton gygy vont te poser cette question, tu risques d'être surprise ! Car ton entourage proche va te demander, mais ça c'est pas le plus dérangeant.

Ce qui l'est plus, c'est quand c'est une voisine que tu croises dans la rue (et qui bien sûr tente de te mettre la main sur le ventre, car elle adoorrre les ventres des femmes enceintes... les mains sur le bidou, c'est aussi un long débat !), le mec derrière toi à la caisse qui te détaille par la même occasion les différents types de crevasses qu'il a vues sur sa femme ou encore la mère d'un élève en réunion parents-profs (je suis du côté prof).

Alors très sincèrement, je trouve qu'il s'agit d'une question plutôt personnelle et ça ne m'a pas plu du tout que ces inconnus (ou presque) s'immiscent dans mon intimité. Plus tard, je me rendrai compte que l'intrusion s'étendra bien au-delà de cette question ! Jusqu'au jour où une vendeuse m'a demandé si j'avais été beaucoup déchirée... Bref...

J'avais déjà entendu pas mal de futures mamans répondre à cette question. Et, quelle que soit la réponse, ça entraînait systématiquement un commentaire / jugement de valeur / anecdote de l'interrogateur :
  • "non !" : regard d'étonnement de l'interrogateur ou de mépris ou d'incompréhension (comment ça tu veux pas payer tes boobs ???) dans certains cas, il peut tenir des propos culpabilisant et/ou tenter de te faire changer d'avis, dans le meilleur des cas, tu auras "c'est très personnel, tu fais comme tu en as envie!" (sincère ou convenu)
"Tout le monde a son avis et si comme moi tu n'aimes pas ça, ben tu es déjà une mauvaise mère avant même d'avoir accouché et effectivement tu te sens obligée d'argumenter..." dixit la copine Brigitte.
  • "oui !" : yihaaa ! psartek ! l'interrogateur te félicite et t'encourage souvent, ça semblerait presque être la bonne réponse dis ! Les mamans qui ont connu des galères avec l'allaitement opineront juste du chef avec un regard de compassion, souvent elles essaieront de t'expliquer / se justifier pourquoi ça n'a pas "marché" comme elles voulaient...
Alors je réponds quoi moi ? J'en savais rien ! Comment je pouvais savoir avant ? Je pouvais juste dire que c'était tentant. Mais alors pourquoi il y en a qui ne peuvent pas ? Ou que ça ne marche pas? Ou que ça s'arrête rapidement ? Comme dirait ma cousine Poulette : "ça sent l'embrouille, ce truc...". Pourtant ma cousine Cocotte, elle a allaité super longtemps elle... alors fichtre je réponds quoi moi.
  • "je ne sais pas trop..." : bipppp ! mauvaise réponse ! "Mais comment ça ???", "Tu sais quand même bien !", "Ha ben c'est la meilleure celle-là ! On sait forcément !" Tant pis...
Bon ben, on va aller se renseigner...

"Allaiter, c'est si simple!"

Voilà le foutu slogan qui était inscrit sur une affiche dans la salle d'attente de la prépa accouchement avec comme illustration la photo d'une mère l'air béat son bébé au sein. HA ! HA ! HA ! J'en ris encore... mais bien jaune le rire.

Déjà, j'en ai parlé avec ma pote Madonne, maman de deux enfants qu'elle a allaités, travaillant dans le milieu médical et formée sur l'allaitement.

C'est alors là que j'ai découvert qu'il y avait une part de théorie dans l'allaitement. Elle m'a expliqué comment bébé devait prendre le sein en bouche, jusqu'où le mamelon allait dans sa bouche, la position de la lèvre, le bruit, l'importance de laisser téter à la demande, la composition du lait au cours de la tétée...

Et comble de la jouissance, la pote Madonne, elle m'a laissé son porte-vues d'allaitement ! Genre le truc tout bien rangé et organisé dans des pochettes plastiques avec des beaux schémas bien clairs, des explications simples et ses petites annotations.

Wahou ! C'était top !!! Il y avait une théorie, un mécanisme, une physiologie et ça pour la scientifique que je suis, c'était fichtrement rassurant.

Ho my god !!! L'euphorie !!! (un peu fétichiste du porte-vues et des fournitures scolaires en général, mais je le vis plutôt bien)

Ce n'était plus juste ça marche ou ça marche pas et on sait pas pourquoi ! Parce que jusque là ça semblait inné, tu sais allaiter ou tu sais pas. Pis si ça va pas, t'arrête et c'est tout !

J'avais quand même eu le droit à :

"Pffff, tu fais du chichi, un bébé ça aime téter ! Tu le mets au sein, il tète et c'est tout !"

Alors si tu doutes, cette phrase te finit !

Mais du coup pourquoi certaines qui allaitent ne peuvent pas continuer alors qu'elles auraient aimé ?

Douleur... Plus assez de lait... Lait plus assez bon...

Bon allez, je vais aussi rencontrer une conseillère en lactation qui travaille dans la mat où je vais accoucher, donc autant la rencontrer avant. Parce que quand même, je commence à me dire que ça me tente bien malgré la potentielle complexitude de la chose.

- Pour info, il y a des personnels médicaux (auxiliaires de puériculture, sages-femmes, infirmières) formés pour accompagner l'allaitement dans presque toutes les maternités. Il existe aussi des dispositifs qui soutiennent l'allaitement. Sur le nord Franche-Comté, l'association Seinbiose propose des groupes de soutien à l'allaitement et assure une permanence téléphonique. Ces femmes douces et toujours bienveillantes t'écoutent, te conseillent, te rassurent et te motivent. -

Alors avec la conseillère, on a repris des trucs vus avec ma pote Madonne, mais aussi des conseils :
  • soutifs : "Tu portes toujours un soutien-gorge avec un bon maintien quand tu allaites si tu veux pas les seins sur les genoux"... ha non ça j'ai pas envie non!
  • place du papa : "Des fois les papas ont plus de recul et t'aideront à trouver des solutions auxquelles tu n'avais pas pensé! Il te soutiendra et prendra soin de toi."
  • conservation du lait...
  •  le mantra de la séance : "L'homme descend du singe, le singe porte et allaite son petit alors... allez ma grande, tu vas y arriver !"
Bon allez, c'est décidé, je me lance !

Il faut faire un choix, donc je vais tenter ! Oui, ok, je suis pas du genre impulsive pour prendre une décision. Je m'octroie le temps d'une étude de marché. Et là, encore plus quand ce sont mes boobs qui sont sur le marché !

On achète les brassières d'allaitement, les coussinets d'allaitements, on garde le fameux porte-vues, le numéro de l'asso, le nom de la conseillère...

Et alors...

Ben alors, ça a été le bordel. Dire que j'ai galéré est juste 300 mètres en-dessous de la réalité.

Comme tu as pu le lire dans l'article précédent, la grande Brioche m'a été arrachée les 48 premières heures de sa vie... Alors ça commençait moyen pour nous deux.

Lors de nos retrouvailles, le pédiatre m'a dit que ça serait bien si je l'allaitais non seulement pour recréer le lien entre nous deux, mais aussi pour elle sachant qu'elle était sous perfusion d'antibios. En plus de plein d'autres raisons.

A partir de là, dans ma tête c'était limpide, il fallait bien que je réussisse quelque chose dans cette rencontre avec ma fille.

Je pense, en toute humilité, que j'ai fait preuve d'une détermination de dingue ! Si son arrivée n'avait pas été aussi compliquée, je n'aurais pas eu autant la rage à le mettre en place cet allaitement. Ma revanche sur cette rencontre volée.

La mise au sein a été compliquée, car la grande Brioche était en convalescence et fatiguée pour pouvoir téter. Alors j'ai tiré mon lait pour stimuler la production et lui donner.

On était en néonat, donc dans une "chambre" ressemblant à une alvéole vitrée ne permettant aucune intimité. On a eu le droit à une permission au cours de laquelle, on s'est retrouvées dans une chambre avec des vrais murs pour une sieste toutes les deux, à l'abris des regards. Ce qui a déclenché la montée de lait dès le lendemain.

Montée de lait qui m'a fait un peu tourner la tête et entraîné une discussion incertaine avec l'Homme :

- "ça va poulette?"
- "Ya plu dans ma chambre cette nuit..."
- "Djool, il fait 35 degrés, on est en alerte canicule!"
- "Ouais, mais dans ma chambre ya plu..."

Complètement pétée à la prolactine et à l'ocytocine la meuf ! Quand j'ai montré mes seins à l'homme, il a eu un mouvement de recul et a proféré un "ho my god!" de stupéfaction  face à ces deux... ogives, oui c'est ça ogive.

Bref, trip au truc en -ine passé, la grande Brioche arrive à téter, le lait coule... Mais oye wa ça fritte hein.

Ha je la revois l'autre cruche de l'affiche avec son air béat à la con !

Au menu, nous avons eu : crevasses, engorgements, ampoules (oui oui, imagine la succion avide d'un nouveau-né sur une ampoule éclatée sur une des zones les plus sensibles de ton corps).
A un moment, je suis passée uniquement au tire-lait, car sinon la pauvre grande Brioche ingurgitait aussi du sang. Gros flippe. Petit passage aux urgences.

Quelques biberons de poudre aussi.

J'ai eu mal pendant la première minute de tétée, à toutes les tétées, jusqu'à l'éjection du lait... les deux premiers mois ! Les gouttes de sueur perlaient sur mes tempes et les mâchoires étaient bien serrées. Le temps que le cuir se tane, comme me dira ma dermato !!!

Et finalement...

Finalement, je l'ai allaitée 1 an ma grande Brioche. 1 an. Après les galères du lancement, j'allais en profiter un peu.

Et j'en ai profité. Je m'en suis régalée. Je m'en suis délectée.

Des tétées câlins les yeux dans les yeux avec bébé qui te papouille de ses petites mains potelées au fur et à mesure qu'il grandit.

De ses retrouvailles après le travail où comme un petit mammifère, il te renifle et s'agite jusqu'à atteindre ton sein.

Ho punaise, c'était chouette, c'était bon, c'était doux.

Pour la petite Brioche, le cuir a mis une nouvelle fois un mois et demi à se taner. Mais "c'est tout". L'homme m'avait dit quand elle était encore dans mon bidon : "Tu verras ce bébé, à peine sorti, il ira direct au sein !".

Il avait vu juste. La sage-femme me l'a laissée sur le ventre. Elle ne l'a pas emmenée pour la laver. On nous avait pas arraché notre bébé cette fois. Et putain que c'était bon. On était surpris avec l'Homme : "C'est comme ça en fait quand ça se passe bien ?". La petite Brioche s'est tortillée jusqu'à mon sein pour le découvrir avec sa toute petite bouche.

J'en ai encore les larmes de joie qui coulent... (émotive moi ??? pas du tout !)

Et la petite montée de lait qui va avec (vite un coussinet, je fuis !). Elle a 5 mois et demi et ça roule toujours !

Bien évidemment, mon histoire est un peu singulière. Pour beaucoup d'autres femmes, tout ça se passe beaucoup plus doucement et facilement.

Et tu arrêtes quand de payer tes boobs ???

Alors oui, si tu n'allaites pas c'est pas bien, mais si tu allaites trop, ça ne va pas non plus !

"Allez c'est bon, stop maintenant, tu as fait ton quota !"

"Tu comptes allaiter jusqu'à quand ?"

Mais qu'est-ce que ça peut bien vous faire bon sang ???? Ce sont mes nibards !!! Alors :

"LACHE-MOI LE TETON !!!"

Réponse de l'Homme : "Vous arrêterez l'allaitement quand vous n'en n'aurez plus envie toutes les deux." Love love love mon zamoureux !

A toi

A toi Brigitte qui ne veut pas allaiter. Un bébé a besoin d'une maman heureuse et soutenue dans ses choix. C'est une décision tellement personnelle. C'est une décision qui doit être respectée, non dénigrée et qu'on te lâche le téton !!!!

Je l'avoue ici : avec des copines, on échangeait sur comment couper la montée de lait à la mat si tu ne souhaites pas allaiter, sachant qu'on te donne plus de médoc pour ça. Il paraitrait que le persil est efficace... Bon ok, je croyais qu'il fallait se frotter les seins avec du persil, j'avais pas capté qu'il fallait le manger ! J'en connais qui rigolent encore chez le primeur devant les herbes aromatiques... En même temps, ya bien des cataplasmes avec des feuilles de chou en cas d'engorgement. Donc j'appelle à témoin, si jamais une maman tente de stopper le lait en se frottant les boobs avec un bouquet de persil, je serais intéressée par le résultat quant à l'efficacité de cette méthode !!!

A toi ma toute fraiche primi qui semble tentée par l'expérience. Suis ton instinct et fais-toi confiance. Entoure toi de personnes informées qui te soutiendront. Je serai là quand tu auras besoin.

A toi qui a vécu l'allaitement comme un échec, ne sois pas trop dur avec toi. L'allaitement, ça peut être très vite déstabilisant et une grande source de stress. Je ne veux surtout pas être culpabilisante en disant que "j'y suis arrivée". Comme je l'ai expliqué, j'avais besoin de ça.

A toi qui a le sein vide, le sein mou, le sein douloureux, l'or blanc capricieux, fais-toi aider et soutenir. Entoure-toi, ne reste pas seule.

A toi que je ne connais pas et qui me contacte pour une astuce allaitement. Quelle fierté de pouvoir t'aider.

A toi qui n'en peut plus, parce que oui l'allaitement ça peut être aussi très dur et complètement épuisant, c'est une foutue responsabilité et ça peut être compliqué, tu as le droit d'arrêter. D'arrêter sans culpabilité.

A toi, toi et toi qui m'a soutenue, encouragée, rassurée à toute heure du jour et de la nuit. Ces échanges pendant les tétées nocturnes, "ce fabuleux monde de la nuit qui n'appartient qu'à toi, tout calme..." comme dirait la pote Madonne.

A toi qui côtoie une toute jeune maman, accompagne et respecte ses choix. La jeune maman est fatiguée vulnérable, filtre tes propos, ils peuvent faire mal.

A toi le conjoint qui est là pour serrer fort quand les larmes coulent autant que le lait, qui rassure et encourage, qui t'apporte de l'eau et la zapette car tu t'es installée à la hâte sur le canap et qui a le regard rempli de fierté et de tendresse à la vision d'une tétée.

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés